ESPACE GT Actuel
2018

 

 

 

 

   

Anaïs Lelievre & Marie Noëlle Deverre

ENCORE UN PEU

VERNISSAGE
Mercerdi 3 octobre 2018, à partir de 18h


EXPOSITION
03/10/2018 - 02/11/2018

 
   

 

   

Exposition en DUO

www.anaislelievre.com
http://marienoelledeverre.com/

Marie-Noëlle Deverre et Anaïs Lelièvre restituent ce qui subsiste encore un peu de leurs expériences communes ou individuelles de résidences. Encore un peu confère à un resserrement autant qu’à une insatiabilité permanente, qui les amènent de l'incision fragmentaire au foisonnement débordant, et aux déballages et remballages successifs d’une vie nomade. Dans des mouvements qui appartiennent à chacune, elles dissèquent l’image par sa démultiplication, avec une prédilection pour les installations de dessin, en estampe et en couleur pour l’une, en photocopie et en noir et blanc pour l’autre… A travers des matériaux souples et légers, modelables ou modulables, le dessin vient jouer de son propre état pour construire dans l’espace des installations chaque fois remaniables. 

 

 

 

 

 



Marie-Noëlle Deverre

Icônes ordinaires
Monogravures, Impression sur Hahnemüle, estampes uniques
Gravures uniques réalisées à la pointe sèche sur la face imprimée des cartons d’emballage (boîtes de soins corporels, d’aliments, etc.), les «Icônes ordinaires » envisagent de donner une seconde vie à ces rebuts de tous les jours : le quotidien, la banalité sont revisités, éclairés différemment par la couleur, l’estampe. La matrice (boîte d’emballage ouverte et déployée) donne à chaque fois une architecture nouvelle par sa découpe particulière. Elle est utilisée pour des surimpressions de couleurs jusqu’à épuisement, et sa fragilité ne rend possible qu’un tirage unique. Ces gravures collectionnées au cours de voyages ou de résidences sont le fruit de rencontres.

Papura, 2018
Papura (1), gravure sur dépron, estampe imprimée manuellement sur papier de riz, 46 x 110 cm
Papura (2), gravure sur dépron, estampe unique imprimée manuellement sur papier de riz, 46x110 cm

A la Fourchette, 2018
Gravure sur dépron, estampe unique imprimée manuellement sur papier de riz, 100 x 166 cm
Ces estampes ont été réalisées pendant et après une résidence en Roumanie en septembre 2018 à l’invitation de l’artiste roumain Christian Paraschiv. Les outils que j’utilisais habituellement pour graver mes matrices ont été remplacés par ceux que j’ai trouvés au cours du voyage, notamment des objets traditionnels de la culture roumaine, comme un ancien peigne de métier à tisser. Cet instrument a été remplacé à mon retour par une fourchette, objet représentatif de la place primordiale des savoureux repas auxquels nous étions conviés jour après jour, comme à des rituels, lors de cette résidence dans un manoir perdu dans la campagne d’Olténie. Ces estampes font état de sensations contrastées : la prégnance du passé sur le présent, la survivance de certaines croyances, de coutumes, le décalage entre la vie urbaine et rurale. En tant qu’artiste-éponge, graver sur du polystyrène était le moyen de réagir sur le vif à toutes ces sensations qui m’ont traversée durant cette résidence où il était question de voir en même temps que produire des créations, mais aussi manger et boire les productions locales. Ma pratique s’en est trouvée peu à peu transformée. Chaque impression d’estampe est devenue un rituel : un corps à corps s’engage lorsqu’il s’agit de devenir soi-même une presse manuelle et corporelle pour imprimer telle une « Raboteuse » de Caillebotte, lorsqu’il faut se démener pour décoller les papiers de leurs matrices toujours plus grandes.

 



Marie-Nöelle Deverre, Le bout du rouleau
Installation modulable réalisée suite à une résidence Iconoclasses à la galerie Duchamp en 2018.
Estampes, rouleau de gaze de métal, épingles.

Naissant de jeux d’échange avec un public hétérogène, mes productions foisonnent, débordent en disséquant de manière les images qui nous environnent. Ces réalisations sont souvent évolutives, se démultiplient, se morcellent en puzzle, se transforment comme des Barbapapas lorsqu’elles s’imprègnent de tout ce qui les entoure. Durant ma résidence dans une école, j’ai été fascinée par des planches éducatives imprimées en couleur que les enseignant(e)s utilisaient autrefois pour illustrer leurs cours, notamment les sciences naturelles. Cette pratique de visualisation scolaire laisse maintenant place à celle qui consiste à avoir recours à Internet comme à une encyclopédie. Dans un cas peu d’images, dans l’autre un déferlement d’images. L’installation in situ et éphémère Le bout du rouleau puise dans cette banque d’images anciennes pour évoquer nos idées reçues ou « images reçues », sortes d’images d’Epinal. Tous ces clichés qui nous éduquent n’apparaissent-ils pas un jour ou l’autre obsolètes, incompréhensibles en dehors de leur contexte ? Dans cette installation, en forme de plan de dissection monumental, la couleur rose chair des estampes met au même niveau toutes ces choses qui se déversent en cascade comme d’une Corne d’abondance qui ne serait pas inépuisable.

 



Anaïs Lelievre, Installation
A travers des situations d’immersion dans un contexte, les constructions transitent entre dessin et installation, tracé et espace : le cheminement des lignes vibratiles, transcrivant recherches, errances, traversées, se déploie à l’échelle d’un environnement à arpenter, voire habiter. En partant d'un seul dessin par installation, son extension procède par reproduction numérique et photocopie, jouant de multiplications, fragmentations, agrandissements et rétrécissements puis découpes et assemblages, pour traduire les dynamiques et transformations qui traversent un lieu – ou l'expérience d'un lieu. Chaque dessin trouve sa source dans un détail, qui cristallise en miniature des relations plus globales, tant contextuelles qu'existentielles : entre agitation sous-jacente et surface inerte (la pierre de lave poreuse d’Islande), croissance et instabilité (le fruit atemoia du Brésil dans une précarité architecturale), centrage et diffraction (la géode de cristal du Brésil), enracinement et coupure (les racines coupées de faux cyprès, en référence au gothique du Musée des Augustins), fracture et construction architecturale (la pierre cargneule et ses échos au baroque de Sospel et à une fragilité tectonique), stratification et friabilité, construction et perte de repères (le schiste argileux des montagnes suisses habitées)... L’exploration de dynamiques internes au contexte génère des dessins qui croissent, s’étalent ou se diffractent dans l'espace et restituent une appréhension transitoire des sites rencontrés. Etendu à l'échelle architecturale, le processus erratique et constructif du dessin déstabilise et régénère la forme du bâti pour mettre en exergue ses processus de formation et de réception.

 

Anaïs Lelievre Dessin / Céramique

Avec la pointe métallique du rotring, mon geste est celui de taper, qui finit en glissant dans l’après-coup de l’impact ; aussi de gratter. La feuille de papier est surface, ce qui est sur, avec quelque chose dessous, qui n’est plus le mur. Percussion : ça cherche quelque chose dessous, ça vise, mais ça bute en surface, le dessin est sans cesse ce dessein qui rate. En cela il semble gravure mais n’en est pas. C’est dans ce rapport, qui se décale du dessous au dessus, de la profondeur à la surface, du tout près au très loin, que ça vibre et que ça vit. Cherchant à cerner autrement ce qui s’y joue, des mots griffonnés et raturés, recouverts ou recouvrant, se débordent et se distordent, ouvrant à une lecture non linéaire, ponctuée et rebondissante de ses manques. Et cette tentative de perforation et d’énonciation qui devient lignes, tracés sismiques, est ce qui fait que le dessin persiste actif, réactivant sans cesse, dans l’espace du regard, son processus d’émergence.

Entre dessin, performance, sculpture et installation, un même fond impulse et relie chaque pièce comme des îles (ces îles désertes qui, dans les mots de Deleuze, surgissent, se séparent, disparaissent et reviennent), chaque médium se cherchant transversalement dans l’autre où il n’est pas. Aussi, les dessins tendent-ils vers une dimension sculpturale, et les céramiques se strient-elles d’un geste rythmique que Leroi-Gourhan excavait à l’origine du graphisme (Le Geste et la parole). Percussion, incise, grattage sans charge d’encre, mais chargés d’ombres versatiles, font saillir en lumière des présences indéfinies, entre pierres de lave spongieuses, volcans déracinés, mollusques craquelés, coraux entre roc et fluide. Cette matérialité métamorphique, limaçante et rocailleuse, pointue parce que creusée, vient encore dire quelque chose de la densité poreuse et épaisse du langage tel un « trou […] sur le bout de la langue » (Liliane Giraudon)."

 


     

 

 

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